Par François Kaisin
De nouvelles façons de penser, de communiquer et de consommer sont progressivement mises en place, avec les nouvelles générations et multi-culturalités au pouvoir, des émergences économiques, réglementations internationales et préoccupations environnementales croissantes. Ces changements et les nouvelles attentes qu’ils créent semblent arriver trop vite par rapport à la capacité des organisations à les absorber.
Par conséquent, elles n’ont pas d’autre choix que celui de prendre perspective et revoir les processus qui leur permettent d’augmenter leur capacité à s’adapter, en changeant leurs propres paradigmes, et en s’ouvrant à de nouvelles opportunités. Donc comment les entreprises peuvent commencer à intégrer efficacement ces changements dans leur vision et stratégie, tout en créant des conséquences positives vis-à-vis de leur culture et leur performance organisationnelle?
Nous discutons ici comment développer une culture adaptative qui mette l’accent sur de nouveaux modes d’interconnexion des parties prenantes et l’engagement et la collaboration entre les gestionnaires et le personnel.
Si le rythme du changement externe dépasse celui du changement interne, la fin est proche. Jack Welch, PDG de General Electric
Vers un nouvel âge
Nous sommes dans une période de progrès accélérés et de grandes transformations montrant qu’une « réaction » est entrain de se produire et un besoin émerger au niveau des entreprises, celui d’intégrer ces changements et de s’adapter autrement à ce monde qui bouge très très vite. Nos rapports à la technologie sous la pression croissante des phénomènes notamment associés à Internet remettent en question l’entreprise d’aujourd’hui, l’économie, les comportements et les aspirations. Nous évoluons, nous nous dotons de nouveaux niveaux de conscience, d’habiletés et nous développons des outils qui conviennent à nos nouveaux enjeux. Ceux-ci nous obligent à changer nos propres paradigmes et ceux qui font à la croissance de nos entreprises, que nous efforçons de rendre durables.
Comment donc notre entreprise « de demain » peut-elle intégrer efficacement ces changements dans sa vision et sa stratégie tout en apportant des conséquences positives pour sa culture et performance organisationnelle ? En peu de temps nous sommes passés de de l’âge du « faire », celui du court terme, de nos habitudes et nos technologies à l’âge des « représentations », de la projection dans le moyen terme et sa stratégie qui en découle. Cependant, ces changements accélérés nous demanderont de passer vite à un autre âge, celui de l’humain et du « sens ». Tel est l’enjeu de nos vies et des organisations humaines et c’est à cela que nous allons tenter d’apporter un éclairage.
Une Société qui change très vite
Alors que la croissance de la population et l’urbanisation s’accélèrent (1 Milliard de plus entre 2000 et 2012 respectivement), un nouvel ordre économique et géopolitique s’installe notamment par l’émergence économique de l’Asie, mais aussi par une régulation internationale en développement, comme par exemple celle de la transparence bancaire et fiscale entre états.
En même temps, l’irruption de plusieurs crises d’ordre financier et sanitaire (vache folle, poulet à la dioxine…) et des préoccupations d’ordre environnemental et éthique (destruction des forêts, pesticides, émissions de carbone..) conduisent à un nouveau modèle de consommation qui se met progressivement en place. L’émergence d’une information alternative, la surveillance et les choix de consommation donnent un nouveau pouvoir aux consommateurs sur l’offre et les circuits de vente en ligne, d’échange ou « troc » permettant d’accéder aux biens sans forcément passer par les entreprises.
La consommation dite « collaborative », encourage l’usage, l’accès aux services plutôt que la propriété, les relations humaines plutôt que le marché, les ressources existantes (co-voiturage, co-hébergement) plutôt que la production. Les acheteurs ne sont pas prêts à se passer du confort moderne mais à acheter autrement, du café au smartphone équitable, ou à accéder différemment à l’information par le partage encyclopédique « open source ».
Le rapport au temps change aussi brutalement dans la course à la rentabilité (stress, financiarisation de l’économie et crises), le présent perpétuel et moins de temps pour capitaliser sur notre histoire, alors que la vie s’allonge. Et qu’en dire du rapport à l’espace où la mobilité remplace l’enracinement.
L’individu lui-même évolue très vite. La génération des années 80 et 90 (dénommées « Y », du why »), bientôt au pouvoir, sont surtout à la recherche d’un nouveau « sens » dans leurs choix de vie. Alors que pour les générations précédentes les croyances et comportements sont fortement liés à leur culture locale, ceux de la génération Y se ressemblent assez partout dans le monde : Vivons l’instant, ayons plusieurs projets en même temps passons de la pensée du texte à la pensée de l’image… et la pensée binaire qui faiblit, le monde virtuel qui remplace le réel, la communication de tous avec tous, dans une diversité des modes de communication qui explose.
Ce qui est en jeu, et bouleversé par internet, ce sont les relations humaines et la complexité des phénomènes relationnels. On voit bien qu’au-delà des échanges, ce sont des situations partagées, des affinités partagées, des valeurs partagées, des enjeux partagés qui s’établissent et font vivre des communautés nouvelles. C’est ce nouvel univers dans lequel l’entreprise évoluera.
L’incroyable vient vers nous !
Les recherches et développements en cours nous montrent que l’incroyable vient vers nous tres vite ! des véhicules guidés par des capteurs pourront venir nous chercher tous seuls. En calculant de manière très différente, des ordinateurs permettront de centupler leur capacité de calcul. L’intelligence artificielle sera présente partout et nos ordinateurs pourront déduire et développer des sentiments par des répliques du cerveau. Un simple sourire ou un geste d’énervement ou une simple pensée interprétés par des capteurs déclencheront des réactions technologiques adaptées. Nous pourrons ajouter un ami sur nos réseaux sociaux en lui serrant la main.
Les appareils changeront de forme et obéiront à notre cerveau. La robotique personnelle, la tablette qui sera aussi souple que du papier. On pourra lire nos mails avec des lentilles de contact. On pourra traduire un texte dans n’importe quelle langue en parlant avec notre smartphone. Voire même le fait de pouvoir fabriquer des objets chez soi à l’aide du web et d’une imprimante couche par couche.
D’une réalité augmentée avec des informations contextuelles sur notre écran au corps augmenté par des prothèses truffées de capteurs, l’homme va déléguer une grande partie de ses tâches cognitives à la technologie (souvenirs, taches répétitives, sens de l’orientation, organisation) pour se concentrer sur la création. On la voit déjà venir : 2 millions de brevets sont déposés en 2012 ; un fabriquant chinois de smartphones en a déposé à elle seule six mille !
Comment intégrer ces changements au sein de notre entreprise
La créativité passe avant tout par l’humain qui est lui-même son propre instrument d’intervention. Au niveau individuel, tout passe d’abord par se connaître et reconnaître dans ce contexte très changeant. Se définir, se respecter et assumer ce que l’on est, ce que l’on maîtrise et ce que l’on se doit d’exprimer pour soi, pour les autres ; son ouverture à la différence des autres et aux changements de paradigmes. Qui nous interdit de sortir du cadre?
Et rechercher notre juste équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle par le respect de nos espaces physique, intellectuel, relationnel et de pouvoir. Satisfaire nos besoins sécuritaires, de sens, de reconnaissance et d’autonomie. En c’est en vivant le moment présent que nous préparons mieux notre avenir !
Au niveau organisationnel, quels sont donc les principaux points à considérer ici au sein de l’entreprise de « demain »? A la lumière de ce que nous avons exposé ci-dessus, il faudra s’attendre à bien plus de restructurations, fusions et délocalisations, alors qu’à ce jour 70% des changements organisationnels n’atteignent pas ou seulement en partie leurs objectifs en raison de la non-prise en compte de cette dimension humaine.
Nous partons du principe que la capacité d’adaptation ou la « plasticité » d’un « organisme » le met tout entier en cohérence avec le milieu, lui permettant d’assurer sa survie et son succès « reproductif ». Nous voyons l’entreprise de demain se trouvant partout car elle sera constituée par une constellation de petites entreprises étroitement inter-reliées autour de valeurs, d’objectifs, et de solutions collaboratives et efficientes, où les relations de pouvoir seront minimales. Sa créativité et sa culture adaptative seront des facteurs clé de croissance. Les gens seront autrement interconnectés, crédibles et ouverts à l’intelligence des actions collectives, à interne comme à l’externe du fait d’une plus grande « porosité » de l’entreprise permettant un élargissement des échanges significatif.
Donc si l’on admet que chaque individu est au centre des connaissances et la création de valeur, nous comprenons l’équation suivante : conduire au lieu d’administrer le personnel, c’est avant tout respecter les besoins spécifiques de l’individu selon son âge, son sexe, les passages de sa vie, c’est optimiser la productivité, la créativité, le rendement professionnel de ce même individu. L’espace, le temps et les rôles auront donc complètement changé en fonction des nouveaux besoins exprimés par les « génération Y » et les suivantes. L’enjeu est d’attirer et de retenir non seulement nos clients, mais surtout le personnel qualifié et motivé. Les futurs employés choisiront les entreprises qui créent à la fois de la richesse et du bien-être, l’atmosphère de travail et la qualité de ses échanges.
Si l’on considère l’unicité de chacun, nous pouvons prétendre que repérer les potentiels spécifiques individuels et les valoriser permet de placer stratégiquement l’individu dans l’entreprise et ainsi d’offrir à celle-ci une ressource efficace et opérationnelle ; On pourra ainsi évoquer quelques actions pas trop difficiles à mener, comme celles ci :
- Aider les individus et les équipes à mieux se connaître et à mieux appréhender l’environnement avec lequel ils ou elles inter-réagissent, tout en étant vigilants à leur exposition aux risques de surmenage ou « burn-out ».
- Identifier les freins internes, gérer et améliorer la stratégie axée sur la communication, la formation et le développement, des outils, des nouveaux styles de conduite avec une attitude « coach ».
- Développer des communautés de pratiques et d’apprentissage, en se donnant du temps pour faire émerger des pensées claires et de la perspective.
- Revisiter l’environnement de travail pour réduire le stress, améliorer la capacité de générer de nouvelles idées, et donner le meilleur de nous-mêmes. Développer des projets sociétaux, plus humains et plus «verts», donnant un sentiment de construire un monde nouveau.
- Enfin, valoriser le potentiel unique de chaque individu en le plaçant au moment juste au sein des projets et des équipes.
- Penser à donner les feed-back positifs à l’individu et à l’équipe (reconnaissance des savoir-faire et savoir être, respect et soutien, cohésion d’équipe..).
- S’accorder des ressources telles que le coaching, afin de développer une dynamique harmonieuse et performante au sein de ses équipes, … et pourquoi pas, les aider à sortir du cadre ? C’est bien du capital immatériel dont on parle !
Clin d’œil
Comment surfer sur cette vague de changements accélérés? L’âge du « sens » est donc bien celui où la performance est interpellée par les valeurs, la responsabilité sociale, l’engagement partagé. Il va avec l’extension du champ relationnel, la communauté d’entreprise, son intelligence collective, sa culture adaptative, où la valeur se trouve dans les valeurs et le sens du bien commun.
La compétence clé n’est plus le traitement de l’information mais le traitement des situations humaines complexes qui devient le nouvel horizon du développement des entreprises, avec l’internet en toile de fond. Capital économique et capital humain sont en effet de plus en plus interdépendants et il reste évident que les gens heureux sont plus efficaces, performants et agréables au travail comme à ma maison !
A quel point votre entreprise est-elle à même d’intégrer tout ceci dans ses orientations stratégiques ? que changeriez-vous demain même? Qu’en pensez vous ?